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Ouvrage personnel, ouvrages collectifs et articles scientifiques...

Les titres soulignés conduisent vers la version en ligne des textes.

Alice Verstraeten, Disparition et témoignage. Réinventer la résistance dans l'Argentine des "Mères de la Place de Mai", Québec, Presses de l'Université Laval, collection Mémoire et Survivance, 2013/ Paris, Hermann, 2013.

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La « disparition forcée », crime contre l’humanité, est accompagnée de l’impunité comme de son ombre. L’impunité, qui aggrave continuellement l’extrême violence de la disparition, est, elle, faite d’invisible et d’indicible. Elle transforme le meurtre en un meurtre permanent. La terreur qui en découle broie les intimités et défait les liens sociaux. Elle tente de tuer le politique et d’empêcher toute forme de résistance.

 

A crime imprescriptible, douleur inextinguible. C’est ce que les criminels semblent avoir sous-estimé : le pouvoir du ressac. Lorsque le feu de la souffrance ne passe pas, se taire est intenable. Et si témoigner totalement semble impossible, les victimes, peu à peu, se transforment en résistantes par leur volonté de dire et de montrer malgré tout.

Les « Mères de la Place de Mai » réinventent la résistance sur un champ de ruines. Désordre vital en plein règne de morbidité, elles déjouent les silences et les mensonges de la junte pour nommer l’innommable à travers une parole reconstruite, elles compensent l’invisible et l’irreprésentable à travers une esthétique reconstruite, elles recréent du lien social à travers les petits liens de sens et les émotions des récits partagés. Elles renversent point par point les intentions de déshumanisation.

La mémoire-souffrance, mémoire des sens, devenue résistance ludique et foisonnante, construit un filet de sens pour appréhender l’horreur. Un réseau se constitue et des mises en scène se multiplient dans l’espace public. La théâtralisation rejoue alors l’articulation – fondatrice du vivre ensemble – entre l’intime et le public. La résistance y trouve à la fois une dimension cathartique ou éthique (se rendre capable d’appréhender la disparition, de la penser), et une dimension politique (susciter des réactions, provoquer la fin de l’impunité). Toujours en mouvement, toujours en (re)création, cette résistance est tendue. Elle rejette le consensus, la réconciliation, le pardon.

 

Cette réflexion anthropologique mêle expériences de terrain et témoignages directs de victimes devenues résistantes. Les paroles intimes de ces mères de disparus, de leurs frères et sœurs ou de leurs enfants disent, mieux que quiconque, la profondeur des dégâts causés par la disparition. Ces histoires qui se recoupent disent la déshumanisation et l’arbitraire, elles disent les spécificités argentines, mais elles tendent aussi, incroyablement, malheureusement, à l’universel.

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"Disparition et témoignage"
Une brèche dans la culture

Alice Verstraeten, « Une brèche dans la culture, d’un bord à l’autre. Témoigner et recevoir le témoignage de la disparition forcée », dans la webrevue Alterstices, n°2, Droits humains et témoignages dans les organisations humanitaires, 2012.

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Face à la "disparition forcée", le témoignage, mis en réseau, apparaît comme une réinitialisation du lien social. Mais il continue de souffrir d’un manque de « retours ». Personnalités clivées, stigmates de la mort du social, les témoins, en nous parlant de l’horreur, la font advenir dans nos consciences. Le témoignage est alors empêché non seulement par les bourreaux, mais aussi par la foule de ceux qui préfèrent ne pas voir et ne pas savoir. Il bute contre l’indicible et l’irreprésentable.

Entendre un témoignage de la disparition, c’est se laisser heurter par elle, c’est être ni bourreau ni neutre. C’est être empathique. Alors seulement, par un partage du sens, émerge la possibilité d’une culture commune entre les témoins et ceux qui les écoutent. Le témoignage est ici compris comme transculturel au sens où il ne peut naître qu’au cœur d’une médiation. Les uns remontent de la violence extrême décivilisatrice et indicible vers la parole, les autres marquent une inflexion depuis la culture vers la réification des mots, l’aporie, l’asphyxie (depuis l’endroit du décor vers son envers qui lui est indissociable).

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Esquisse d'une anthropologie impliquée

Alice Verstraeten, « Esquisse d’une anthropologie impliquée auprès des victimes de la "disparition forcée" » dans la revue Anthropologie et Sociétés, n°32 Hors-série,  Globalisation des cultures. Traces, traverses et voix de jeunes anthropologues: 72-78, 2008.

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Cet article part du constat que les sciences sociales ont peu abordé la violence extrême (à l’inverse des sciences humaines). Ce qui est compris comme une sidération, comme une perte de repères théoriques n’est en réalité que la face « scientifique » d’un problème global de rapport « intellectuel », de rapport de sens à la société qui nous entoure et qui nous fait, alors même que nous avons expérimenté sa capacité d’autodestruction.

Cet article propose donc, pour pallier à cette sidération, une double implication des chercheurs : réélaboration du sens, reconstruction des liens. La reconnaissance agit alors comme une recomposition du lien social et politique depuis une relation de réciprocité. Face au déni, à la dépersonnalisation de l’autre, à son effacement, s’engager sur la voie du personnel, de l’intime, c’est rappeler que ces crimes contre l’humanité ont d’abord touché des intimités. Impliquée aux côtés des victimes de la « disparition », l’anthropologie peut, dans l’écriture, dérouler un parcours menant de l’intimité blessée à l’histoire et la mémoire collectives.

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L'engagement
"en réseau"
contre l'impunité

Alice Verstraeten, « L’engagement "en réseau" contre l’impunité : des familles de disparus défient le no te metas » dans la revue Tracés, n°11, L’engagement : 43-66, 2006.

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Cet article revient sur la construction du mouvement de résistance à l’impunité de la "disparition forcée" argentine. Il s’agit d’interroger la tension existant entre résistance, engagement et désengagement dans les modulations du lien social.

Dernier mouvement de résistance à la dictature, et premier d’un nouveau genre, le mouvement des « mères de la Place de Mai » inaugure la militance « filiale » pour les droits humains. En investissant la place de Mai comme une scène - différente du « lieu de mémoire » ou du « territoire d’affrontement » -, en utilisant signes et symboles, ces femmes mettent en scène leur douleur, rejouent leur maternité. Mobilisant tous les registres de l’émotion, elles se situent à la charnière du privé et du public dans une logique combinatoire. Elles initient une action en réseau, la mise en lien de toutes les familles et l’incessante recombinaison de la solidarité entre associations. Contre le «pardon » dénaturé que réclament les gouvernements, contre une « réconciliation » performative, les familles montrent le caractère discontinu, variable, tendu, de la « mémoire collective ».

 

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Entre dislocation
et lien.
Entretien avec Michèle Lepeer

Alice Verstraeten, « Entre dislocation et lien, entretien avec Michèle Lepeer » dans revue Frontières, vol.19-1, Enjeux politiques et mort : 105-108, 2006.

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Pour découvrir l’œuvre foisonnante de Michèle Lepeer, artiste peintre et graveur:

 

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Une brèche ouverte dans le sens

Alice Verstraeten, « Une brèche ouverte dans le sens : esquisses d’une anthropologie des crimes contre l’humanité et des génocides», dans Autour de François Laplantine, D’une rive à l’autre (Mohammed Seffahi, dir.), Paris, Editions des Archives contemporaines : 219-240, 2013.

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Partant des mots de F. Laplantine, selon lequel « Malgré la brèche ouverte par la psychanalyse, l’ethnographie ne s’est contentée jusqu’à présent que de décrire la présence, la visibilité, presque jamais l’absence. Elle a en effet répugné à penser ce qui s’absente, décline, disparaît, réapparaît », cet article pose la question de la possibilité de penser les crimes contre l’humanité et les génocides. Confrontant méthode cinématographique et écriture, il interroge la possibilité de lutter contre le silence, le vide d’indices et de preuves propres à l’impunité et de bousculer les cadres disciplinaires pour approcher un terrain miné, pour approcher le « hors-champ » et le « hors-sens ».

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Blessure invisible, blessure indicible
"Les disparus argentins de deuxième génération: vies paradoxales dans les limbes du social"

Alice Verstraeten, "Les disparus argentins de deuxième génération: vies paradoxales dans les limbes du social", dans la revue Frontières, vol.27-1,2, Figures de la disparition, Montréal, 2016.

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Entre 1976 et 1983, la dictature militaire argentine fait disparaître 30.000 opposants. Ce crime contre l’humanité – reconnu comme tel depuis 2010- est encore aggravé par les atteintes aux droits des enfants : 500 bébés sont « appropriés » par les militaires et leurs complices. Leurs identités sont effacées, de nouvelles filiations fictives sont créées.

Lorsque tombe la dictature en 1983, il est devenu évident que les adultes disparus qui n’ont pas été libérés des camps ont tous été assassinés. Leur disparition est une mort qui ne dit pas son nom, une mort en suspens. Les enfants, en revanche, restent des disparus vivants. Leur mort n’est pas en suspens. Leur vie, si. Leur vie est en suspens, et reste inextricablement liée, dans le réel comme dans le symbolique, à la mort de leurs parents. Je propose de me pencher sur l’espace-temps paradoxal que sont les « limbes du social » où sont confinés ces disparus. En les comprenant comme autant de « nœuds » de l’intime et du collectif, qui continuent de blesser, au présent, l’ensemble de la culture, nous interrogeons la possibilité de sortir de l’impasse symbolique – qui très vite devient une impasse politique. Nous défendons une éthique des vérités multiples, pour éclairer la nébuleuse de l’impunité.

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"Entre réflexion et diffraction de la mémoire"

Alice Verstraeten, « Entre réflexion et diffraction de la mémoire. Faire un film avec Victor Basterra », dans Fleury, Béatrice et Walter, Jacques, Carrières de témoins de conflits contemporains (3), les témoins réflexifs, les témoins pollinisateurs, Nancy, PUN – Editions de Lorraine, Questions de communication, série Actes 23 : 233-247, 2015.

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Victor est l’un des survivants de la disparition forcée en Argentine. Signe et stigmate de la disparition, il a dû affronter méconnaissance et impunité. Habité de l’injonction de ses codétenus (« Si tu t’en sors, fais en sorte qu’ils ne se la ramènent pas ! »), il se sent en liberté sous condition de témoignage.

Dans une tension réflexive permanente, il tente de « maintenir le fil » entre les engloutis et ceux qui viennent après. Il tente de reconstruire mémoire collective et mémoire propre, dans une approche microhistorique de l’horreur. L’intime vient y révéler le crime contre l’humanité, par diffraction. Si Victor a survécu plus de trois ans dans le camp, c’est qu’il a accepté de travailler pour ses tortionnaires. Ce qui aurait pu être l’histoire d’un naufrage est pourtant devenu un symbole de la résistance au cœur de l’horreur. Car Victor a pu ramener à la lumière des photographies de l’intérieur du camp de disparition. Il est devenu un témoin-clé, il pollinise les mémoires et ré-ensemence les débats sur le sens de la survivance, de la trahison et de la résistance, et sur la lutte contre l’invisible et l’indicible.

Nous lui avons consacré un film documentaire, et cet article propose d’expliquer pourquoi.

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La caresse de l'art

Alice Verstraeten, « La caresse de l’art et les "Mères de la Place de Mai". Réflexions autour des œuvres "argentines" de Michèle Lepeer », dans la webrevue Amerika, n°8, Violences, génocides, guerres, homicides, féminicides, crimes, meurtres, représentations esthétiques, 2013.

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Le combat des « Mères de la Place de Mai » se place dans le champ de la maternité, de la tendresse, de la caresse, en opposition totale à la violence d’un crime « continu », fait d’une douleur exponentielle. Elles se sont entourées d’art et d’artistes, car elles retrouvent-là l’essentiel de leurs armes contre la sclérose de la pensée et la terreur. Cet article revient sur leur mise en lien avec Michèle Lepeer, une artiste peintre. Leurs démarches éthiques et politiques se rejoignent dans la volonté de s’inscrire dans une chaîne de transmission, dans la volonté de rattraper le symbolique en lambeaux et d’offrir un espace-temps visuel où inscrire les disparus, une sépulture symbolique à ces morts non reconnus. Enfin, leurs démarches se recoupent dans l’attention portée à l’intime pour dire l’histoire collective (forme de microhistoire).

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A la charnière de l'intime et du social

Alice Verstraeten, « A la charnière de l’intime et du social : quand des familles de "disparus" réélaborent leur rapport au corps et au langage », dans le Journal des anthropologues – 116, Anthropologie, psychanalyse et Etat : regards croisés sur les terrains : 139-148, 2009.

 

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La dictature militaire argentine a voulu « épurer »… « un corps social malade ». Métaphoriquement et concrètement, elle a pris le corps pour cible et a fait du langage un otage. Cet article révèle la désarticulation, l’atomisation du lien entre corps et langage provoquée par la « disparition ». Lien qui, maintenu par les vivants, permettrait l’élaboration d’un sens à donner au réel et d’une place à attribuer aux morts.

Malgré la terreur qui les habite, les familles témoignent : elles remettent en jeu leurs propres corps et leurs propres recherches dans le langage. Si, comme les thérapeutes, j’évoque le traumatique, c’est en anthropologue que je recueille ces témoignages.  Mais les mises en lien que cela suppose sont, au moins, cathartiques.

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La musique de la disparition

Alice Verstraeten, « La musique de la "disparition"» dans la revue Frontières, vol.20-2, Les musiques et la mort : 71-76, 2008.

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Dans le réseau militant des familles argentines de disparus, la musique apparaît comme une façon de réélaborer le sens et le symbolique détruits. Et ce processus génère un espace social alternatif à la terreur. Mêlant rock et murga, les manifestations mettent en scène des douleurs partagées. Par les émotions qu’elles charrient, elles renversent la nature intrinsèquement négative de l’indicible pour en faire une force. Elles transmettent un savoir au-delà ou en deçà des mots, elles font sens par les sens.

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Occultation de la mort...

Alice Verstraeten, « La "disparition forcée" en Argentine : occultation de la mort, empêchement du deuil, terreur, liminalité » dans la revue Frontières, vol.19-1, Enjeux politiques et mort : 74-79, 2006.

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Cet article tente de définir les contours de la « disparition », en termes de déliaison chirurgicale du social, d’ellipse corporelle et temporelle : non-dit sur la mort, sur le lien entre des disparus vivants et des corps désincarnés, sur le lien familial des « subversifs », et sur le lien de ces « subversifs » au reste de la société.  A travers les « expériences limites » des familles, l’on s’aperçoit que c’est le statut même de la mort et des morts qui est mise en balance. Par contamination, les vivants se trouvent repoussés aux marges du dicible et du social, dans un espace-temps « liminal ». Si la disparition est, selon la rhétorique de justification des bourreaux, un moyen de pression politique, elle apparaît surtout comme un moyen de scléroser les relations sociales par la terreur et donc, comme un moyen de tuer le politique. La « disparition » est une injonction à la soumission absolue.

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Réitérations de la haine

Alice Verstraeten, « Quand la justice argentine condamne le génocide : les familles de disparus confrontées aux réitérations de la haine des militaires » dans La haine, histoire et actualité (Frédéric Chauvaud et Ludovic Gaussot, dir.), Rennes, PUR, collection « Histoire » :175-186, 2008.

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Cet article se penche sur les façons dont l’impunité des criminels perpétue la rhétorique de la haine et de l’ennemi intérieur, et développe l’idée que la justice, si elle se base sur une volonté « performative » de réconciliation sans passage par l’éclaircissement, perpétue elle aussi la haine. C’est ainsi que l’expriment les victimes, qui ne choisissent pas pour autant la vengeance. Elles inventent l’escrache : la dénonciation publique des assassins, assortie de mises en scènes de leur condamnation sociale.

Mais cette inventivité continue de buter contre la haine monolithique des militaires, puisque leurs premières condamnations civiles ont conduit, à La Plata en 2006, à la nouvelle disparition forcée d’un témoin. La justice se tient donc sur un fil tendu entre mémoire et apaisement – vengeance et circularité des violences.

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Alice Verstraeten, « La "disparition forcée" en Argentine : blessure invisible, blessure indicible », dans Aux limites de soi les autres. Enquêtes en sciences sociales (Dorothée Dussy et Francine Fourmaux, dir.), Aix-en-Provence, Editions Persée : 44-65, 2011.

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Cet article propose une réflexion sur les mises en scènes des mises à mal du corps dans la « disparition forcée ». Il s’appuie sur des voix enregistrées et des gestuelles filmées. En l’absence des corps des disparus, en l’absence du « corps du crime », la disparition « prend corps » en trois temps :

Les survivants des camps s’exposent par leur mémoire des sens (le mime ou les traces sur leur peau). Les mères de disparus, elles, utilisent leur corps pour personnifier leurs enfants et être la présence que le pouvoir leur renie. Les anthropologues légistes, enfin, médiateurs des preuves et du discours sur la mort, identifient les corps des fosses communes pour les rendre aux familles. Le corps reconstitué devient alors support de rituels familiaux et sociaux.

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